Les naufragés de l'île de Tromelin / Irène Frain. Michel Lafon, 2009. 373 pages Un minuscule bloc de corail perdu dans l'océan Indien. Cerné par les déferlantes, harcelé par les ouragans. C'est là qu'échouent, en 1761, les rescapés du naufrage de
L'Utile, un navire français qui transportait une cargaison clandestine d'esclaves.
Les Blancs de l'équipage et les Noirs de la cale vont devoir cohabiter, trouver de l'eau, de la nourriture, de quoi faire un feu, survivre. Ensemble ils construisent un bateau pour s'enfuir.
Faute de place, on n'embarque pas les esclaves, mais on jure solennellement de revenir les chercher.
Quinze ans plus tard, on retrouvera huit survivants : septs femmes et un bébé. Que s'est-il passé sur l'île ? A quel point cette histoire a-t-elle ébranlé les consciences ? Emu et révolté par ce drame, Condorcet entreprendra son combat pour l'abolition de l'esclavage.
Je suis partagée pour vous parler de cette lecture car les faits sont réels et Irène Frain s'est basée sur un minutieux travail d'enquête pour nous le restituer, pour nous confronter à la vie de ces personnes, aux idéaux et points de vue tant personnel qu'historique. Même si pour une large part, on peut parler d'extrapolation et donc d'un travail d'imagination, la réalité rattrape la fiction et se confond dans ce livre. Du coup, vous pouvez parfois vous laissez entrainer dans cette lecture et parfois revenir bien vite avoir à l'esprit, de découvrir un document.
J'ai essayé de me laisser aller au fil de l'écriture et y suis suffisamment parvenue pour laisser filer mon imagination au niveau de l'île de Tromelin, qui fait que je me suis rendue compte que j'avais une vision totalement erronée mais similaire à celles des contemporains de nos navigateurs infortunés lorsqu'ils vont raconter leur histoire. Comme eux je m'imaginais une île à la Robinson Crusoé et je n'ai pu en prendre conscience qu'en me rendant à mi-parcours de ma lecture sur le site*, et lorsque l'histoire de W. Defoe est évoquée par la narratrice elle-même. (*regarder la section Photos et plus particulièrement la 3ème vous comprendrez déjà beaucoup mieux sur quel îlot nos naufragés se sont retrouvés ; dans la partie Vidéos, les vagues sont vivantes !).
Une fois le "décor" planté, il est certain que cette histoire aborde bien d'autres sujets. Le charisme de Castellan et sa force de caractère tout comme son esprit éclairé par la réflexion, l'esprit des Lumières, font de lui un personnage que l'on souhaite suivre et voir réussir dans ses projets. Il n'est bien entendu pas le seul auquel on s'attache et c'est la grande réussite de l'auteur de faire vivre ces héros ordinaires en se basant notamment sur quelques gueules propres à créer l'histoire.
La construction du bateau destiné à leur sauver la vie et auquel participent les esclaves va faire prendre conscience au petit groupe de marins ayant décidé de cette entreprise, proche de la folie mais seule échappatoire à une mort certaine, combien Noirs et Blancs sont des êtres humains, simplement ; ils ne parlent pas la même langue, mais en dépit de cela, la seule différence qui les distingue est la couleur de peau.
Jamais ces marins et encore moins Castellan, n'oublieront la promesse faîte, mais le retour à la "civilisation", à la confrontation avec le gouverneur des "Isles à sucre" et la main mise de la Cie des Indes va les rappeler à la réalité, à l'obscurantisme dans lequel souhaite demeurer bon nombre d'hommes, qui préfèrent voir dans ces esclaves, la perte de marchandises.
Munis de leur courage, de leur obstination, de la plume et de l'ouverture des esprits, cette histoire finira par donner lieu au sauvetage des survivants. L'histoire sera reprise et utilisée par Condorcet.
Le 4 février 1793, par décret de la Convention, l'esclavage est aboli. "Tous les hommes sans distinction de couleur, domiciliés dans le colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution".
C'est sur ces deux dernières phrases que se terminent l'ouvrage.
Merci à Suzanne de Chez les filles et aux éditions Michel Lafon.