Merci à Fashion pour le prêt, et à Stéphanie pour l'avoir évoqué :)) (Non vous n'êtes pas chez les Bisounours, mais un peu d'honnêteté ne fait jamais de mal). La vie devant soi / Romain Gary (Emile Ajar). Gallimard, 1986 (Folio). 274 pages Signé Ajar, ce roman reçut le prix Goncourt en 1975. Histoire d'amour d'un petit garçon arabe pour une très vieille femme juive : Momo se débat contre les six étages que Madame Rosa ne veut plus monter et contre la vie parce que "ça ne pardonne pas" et parce qu'il n'est "pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur". Le petit garçon l'aidera à se cacher dans son "trou juif", elle n'ira pas mourir à l'hôpital et pourra ainsi bénéficier du droit sacré "des peuples à disposer d'eux-mêmes" qui n'est pas respecté par l'Ordre des médecins. Il lui tiendra compagnie jusqu'à ce qu'elle meure et même au-delà de la mort.
Rédigé comme si Momo lui-même vous parlait, voici la première singularité de ce roman. L'enfant dans la peau duquel se glisse Romain Gary peut faire sourire par son manque de vocabulaire, son mélange des termes ô combien imagés. Ainsi il demande au médecin d'avorter Madame Rosa ; les proxynètes, le travestite, les rumeurs d'Orléans sont des images beaucoup plus parlantes que les termes du dictionnaire et nous font sourire. Ils traduisent également un état des faits : Momo se nourrit du vocabulaire qu'on lui donne et prend là où il peut les explications de le vie.
"On est jamais trop jeune pour rien, docteur, croyez-en ma vieille expérience" (p. 238).
Si l'enfant, et plus tard l'adolescent, ne comprend pas tout, il n'en écoute pas moins les adultes : ce roman est celui de l'apprentissage de la vie, de l'amour. Se mêle d'autres éléments tels que :
- La notion du temps qui passe, qui ne possède pas la même valeur pour toutes les cultures ou plus simplement selon l'époque à laquelle nous appartenons : "(...) Je suis resté un bon moment avec lui en laissant passer le temps, celui qui va lentement et qui n'est pas français. (...) Mais c'est toujours plus joli quand on le raconte que lorsqu'on le regarde sur le visage d'une vieille personne qui se fait voler chaque jour un peu plus et si vous voulez mon avis, le temps, c'est du côté des voleurs qu'il faut le chercher. (...)"
- La vision des personnes âgées dans notre société et ce réalisme de l'auteur (bien avant la canicule de 2003) que l'on oublie les petits vieux et que l'on ne s'en soucie que lorsque l'odeur de la mort nous parvient.
"(...) En France, il n' y a pas de tribus à cause de l'égoïsme. Monsieur Waloumba dit que la France a été complètement détribalisée et que c'est pour ça qu'il y a des bandes armées qui se serrent les coudes et essaient de faire quelque chose. (...) C'est pourquoi les peitits vieux et les petites vieilles qui ne peuvent pas faire de bandes armées pour exister disparaissent sans laisser d'adresse et vivent dans leurs nids de poussière. Personne ne sait qu'ils sont là, surtout dans les chambres de bonne sans ascenceur, quand ils ne peuvent pas signaler leur présence par des cris parce qu'ils sont trop faibles. (...)"
Non ce livre n'est pas morbide, loin de moi cette idée de vous le laisser croire !
Au contraire, c'est un très beau message d'amour entre les religions, les ethnies, les différences (aux yeux des biens pensants) qui coexistent, se soutiennent, entre un enfant et une vieille dame qui malgré la mort restera plus présente aux yeux de Momo que tout ce que nous retiendrons esprit du XXIème siècle et juge : "Mon Dieu, cet enfant a enduré des choses inimaginables"....
Revenons sur terre, la réalité est à côté de nous. - Pardon pour ce fatalisme de bas étage, mais je reste quelqu'un de résolument optimiste (au moins j'essaie) alors gardons le sourire et comme Momo poursuivons notre construction par l'écoute, l'échange...