Quelques avis personnels...
Le kiosque / Olga Grushin. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Alain Defossé. Rivages, 2011. 398 pages. 4*
En Union Soviétique, à une époque non déterminée (l’auteur joue avec les dates), une file d’attente commence à se former devant un kiosque, suite à une rumeur selon laquelle un célèbre compositeur en exil volontaire, considéré comme dissident, revient à Moscou pour un dernier concert.
Le nombre de billets sera limité, et il n’y en aura qu’un par personne. Peu à peu, des gens qui ne se connaissent pas se retrouvent, chaque jour, pendant un an. Et, au fil du temps et des saisons qui passent, alors que le kiosque reste fermé, ces « silhouettes » anonymes prennent corps. Des amitiés improbables se nouent, des souvenirs enfouis refont surface, des événements inattendus les aident à dépasser les frustrations quotidiennes.Au cœur de cette histoire se trouve la famille de Sergueï, un musicien dont le rêve était de devenir violoniste mais qui est devenu joueur de tuba dans une fanfare nationale.
Pour autant, il ne veut pas abandonner son idéal. Et, peu à peu, chaque membre de la famille, sa femme, sa belle-mère, et son fils, investit le célèbre compositeur d’un pouvoir magique et mystérieux et espère que ce concert changera sa vie.Comme le précise Olga Grushin à la fin de son roman, elle s’est inspirée d’une histoire vraie. En 1962, le célèbre compositeur Igor Fiodorovitch Stravinski est invité par le régime soviétique à venir orchestrer un concert à Moscou ; ce sera son premier voyage de retour dans son pays natal après presque 50 ans d’absence.
C'est dans une folle sarabande que nous entraîne Olga Krushin (enfin la Symphonie ou la musique de ballet correspondrait sans doute mieux à la musique entendue dans ce roman) au travers de ces personnages et plus particulièrement d'Anna et de Sergueï, de leur fils et de la mère d'Anna.
L'attente au kiosque commençé par hasard va se transformer progressivement en un intérêt fervent de la part de toute la famille lorsque l'on apprend que la vente sera celle de billets pour un dissident venant faire un concert unique. Même si initialement le but de chacun n'est pas le même, l'hypothétique vente de ce billet (un seul sera vendu par personne) devient à la fois source de conflits, d'envies et de rêves avant de permettre à cette famille de se retrouver.
Mais tout ne tourne pas seulement autour des membres de cette famille, car c'est avant tout le quotidien et l'histoire des moscovites (ville jamais citée en tant que telle) qui est narrée ici au travers des 4 personnes citées précédemment mais également dans les rencontres qui vont se faire grâce / à cause de la file d'attente au kiosque. La vente pouvant se réaliser à n'importe quel moment de la journée ou de la nuit, c'est tout un système d'entraide, de partenariat qui se crée pour LE billet unique que chaque "famille" pourra obtenir, et on découvre progressivement le pourquoi de l'attente de chacun ou à qui ce billet est destiné. Tous perpétuent un espoir fou dans le retour de ce musicien, chacun crée sa propre rencontre ou se berce d'espoirs face à l'aide que pourrait leur apporter cette personnalité, physiquement, moralement ou psychologiquement.
L'ouvrage à l'image parfois des personnages s'emballe, disgresse mais la fièvre de chacun comme celle du lecteur est difficile à amenuir, en dépit de quelques faiblesses narratives, d'évidences qui n'en sont pas pour les personnages. Parfois à la manière de la musique, les voix des uns et des autres se mêlent obligeant le lecteur à relire le passage afin de comprendre quel(s) thème(s) est/sont réapparu(s), mais l'attente, la perspective de la chute demeure.
Ce n'est nullement sur un monde parfait que le roman s'achève, mais après une année écoulée les choses ont changé même si la vie reste identique à celle de l'année que chacun a vécu. Cette famille se redécouvre, même si elle sera désormais confrontée à de nouveaux obstacles.