Le grand soir / François Dupeyron. Le Livre de Poche, 2009. 312 pages. 4* Au crépuscule de sa vie, Gustave Courbet rencontre une jeune prostituée dans un bouge de Genève.
Mona ressemble à s'y méprendre à Jo, la belle Irlandaise, le mobile de sa vie, la femme de ses rêves, celle qui donna naissance à L'Origine du monde. Le temps d'une nuit, Courbet se confie à cette inconnue : les amours, les rencontres qui ont marqué sa vie mais aussi son procès, son emprisonnement et son exil en Suisse pour fuir la répression qui suivit la Commune. Avec une force d'évocation flamboyante et enfiévrée, le romancier et cinéaste François Dupeyron entre de plain-pied dans la vie et le siècle de Gustave Courbet, personnage superbe et dévasté, dont il célèbre, corps et âme, l'amour de l'insurrection.
Si le nom de Gustave Courbet ne vous évoque rien, ses oeuvres ou l'histoire de la colonne Vendôme (merci les cours d'histoire et d'histoire de l'art), ne vous sont pourtant pas inconnus.
L'origine du monde, Un enterrement à Ornans ou L'atelier du peintre, voici quelques unes des oeuvres ayant suscitées émois en leur temps et que l'on retrouve dans ce roman. Roman car telle est bien la forme de ce livre, même si le style choisi par F. Dupeyron suggère la biographie. Mais devant cette figure de la peinture et de la commune il brode (rien de péjoratif dans la formulation) ainsi qu'il le rappelle dans sa "postface".
L'auteur met en scène G. Courbet en Suisse quelques années avant son décès, mais le montrant déjà quasi perdu, conscient de son état et faisant le point sur son existence, sur ses amours, ses relations avec le monde politique, durant la nuit qu'il passe avec Mona, la femme en qui il aspire à retrouver Joe, la femme trop aimée. Avec un plume fort descriptive, sans doute liée au monde cinématographique auquel il appartient (Merci à lui pour le magnifique film La chambre des officiers !), F. Dupeyron nous entraîne dans la vie de Gustave Courbet, l'homme épris de réalisme, celui qui voulait entreprendre dans sa peinture et sa vie sans s'en laisser compter par les biens pensants ou les médisants devant la crudité de sa peinture, vivante et novatrice. Si ces deux hommes nous parlent de peinture, l'amour reste au premier plan de ce roman. Courbet est un homme aimant la vie, les femmes, les plaisirs de l'existence auxquels il s'adonne avec une ferveur égale à celle qu'il a devant un chevalet. Homme sensible au quotidien, au monde ouvrier, il ne peut s'empêcher de laisser son coeur et son esprit parler lors des bouleversements historiques qui secouent la France durant son existence et d'y prendre part.
Si l'auteur revendique qu'il ne s'agit pas d'une biographie, n'aller pas imaginer qu'il s'agit d'une apologie du peintre, de l'homme : il nous montre les faiblesses, bassesses parfois de l'être humain, sa crédulité. Même si on le sent passionné, avide de démontrer l'aide apporté aux musées durant la Commune, par exemple, c'est avant tout un magnifique portrait qui se dessine sous nos yeux. En tournant les pages, nul doute que beaucoup retiendront nombre d'éléments sur Courbet l'artiste, son travail et sa manière de composer ses oeuvres autant que le formidable appétit de vie qui lui est donné.