Quelques avis personnels...
La Reine des lectrices / Alan Bennett. Folio, 2010. 121 pages. 4*
Que se passerait-il outre-Manche si Sa Majesté la Reine se découvrait une passion potin la lecture ? Si, d'un coup, rien n'arrêtait son insatiable soif de livres, au point qu'elle en vienne.
à négliger ses engagements royaux ? C'est à cette drôle de fiction que nous invite Alan Bennett, le plus grinçant des comiques anglais. Henry James, les soeurs Brontë, Jean Genet et bien d'autres défilent sous l'oeil implacable d'Elizabeth, cependant que le monde so British de Buckingham Palace s'inquiète. Du valet de chambre au prince Philip, tous grincent des dents tandis que la royale passion littéraire met sens dessus dessous l'implacable protocole de la maison Windsor.
Un succès mondial a récompensé cette joyeuse farce qui, par-delà la drôlerie, est aussi une belle réflexion sur le pouvoir subversif de la lecture.
Ah quel plaisir de découvrir une LCA qui s'ignore :) Et oui, la Reine découvre à près de 80 ans, une passion subite pour la lecture. Elle prend conscience que l'esprit et la timidité qu'elle inspire (le respect) lui a fait passer à côté d'auteurs dont la plume est plus brillante que l'élocution. Que ses impressions passées sont à l'opposé de ce que E. M. Forster rapporte de leur "rencontre".
Brillant et imaginatif telles furent mes premières impressions de lecture. à l'égard du style et de la plume d'Alan Bennet L'amusement pointe son nez alors que la Reine brise le protocole par petites touches incongrues, que ses chiens éprouvent de la jalousie à l'égard de ses nouveaux compagnons - imaginez un peu la Reine prendre son téléphone pour s'excuser car l'ouvrage emprunté a été déchiqueté par ses compagnons à quatre pattes, et que bien entendu elle va le faire remplacer (certains lecteurs devraient en prendre de la graine) -. Que dire de ses salutations à la foule dans son carosse alors qu'elle poursuit sa lecture, la têt bien droite puisqu'on lui tient son ouvrage :-D En voici enfin une digne de comprendre les affres de tous les lecteurs prêts à oublier leur nuit de sommeil pour finir le roman entamé, oubliant leur arrêt de bus (ça c'est moi !) ou de métro (que ceux à qui cela n'est jamais arrivé se dénoncent).
Mais vous trouverez bien plus dans ce petit roman que les affres qui pertubent la vie des lecteurs acharnés que nous sommes ! En effet, si la Reine vient à la lecture, c'est grâce à un bibliobus ainsi qu'à l'intérêt d'un lecteur issu des cusiines qui bien vite va voir l'inimitié gagner les autres membres du personnel à son égard. Car ce jeune homme échange, s'intéresse à la lecture et aux lectures de sa Reine sans chercher pour autant à gagner ses faveurs. Il est là pour discuter lectures, pour l'aider à appréhender certains écrivains ou des ouvrages plus difficiles dans la bibliographie des uns et des autres. Sa culture littéraire il l'a acquise seul, de manière empirique et est tout disposé à la faire partager. La Reine rapidement souhaite elle-aussi paratger ses bonheurs de lecture ou discuter simplement ; mais les échanges restent infructueux, quelque soit les personnes à qui elle s'adresse. Le Roi ne la comprend pas, ses conseillers, entourage proche dénigrent cette passion, et cela jusqu'à la faire passer pour une victime d'Alzheimer lorsqu'elle décide de prendre des notes relatives à ses lectures. (Si elle écrit c'est parce qu'elle oublie cqfd ;-D).
Les échanges avec son Premier ministre sont de premier ordre : à se demander comment il s'informe. Mais j'oubliais, comme à la Reine lors de rencontres, des synthèses doivent lui être communiquées. C'est bien joli un résumé, mais comme nous le savons tous lire un texte c'est le vivre d'une certaine manière et l'écriture, la plume nous touche plus ou moins selon nos sensibilités, les termes choisis ou l'instant de la lecture (temps présent, âge, ... ) mais aussi en fonction de l'expérience personnelle comme sait bien le montrer Alan Bennett.
Le départ de Norman Seakings a provoqué une coupure dans le roman qui fait que si les passages suivants sont toujours inspirés et souvent ironique et drôle, cette partie a trouvé moins de grâce à mes yeux, tout en restant d'une grande originalité et d'un bel esprit critique.
Vu la taille de l'ouvrage et son contenu, tout lecteur devrait prendre quelques minutes pour lire cet opuscule.
2 courts extraits de la page 49 sortis de leur contexte mais compréhensibles ; échanges entre la Reine et son secrétaire particulier :
" - (...) Pourquoi le public s'intéresserait-il à mes lectures ? La reine lit. Les gens n'ont pas besoin d'en savoir plus. J'imagine leur réaction dans leur grande majorité : "Et alors ? La belle affaire. "
- Lire, c'est se retirer, dit sir Kevin. Se rendre indisponible. La chose serait peut-être moins préoccupante si cette recherche relevait d'une démarche moins... égoïste. (...)
- On lit pour son plaisir, dit la reine. Il ne s'agit pas d'un devoir public.
- Peut-être cela serait-il plus préférable, rétorqua sir Kevin. (...)"