Quelques avis personnels...
La marche de Mina / Yoko Ogawa. Roman traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle. Actes Sud, 2008. 4,5*
Après le décès de son père, alors que sa mère doit s'éloigner pour parfaire sa formation professionnelle, la petite Tomoko est revue pour un an chez son oncle et sa tante. Tomoko a douze ans ; à Kobe, son oncle l'attend sur le quai de la gare. Il la serre dans ses bras et la conduit jusqu'à la très belle demeure familiale. Pour Tomoko, tout est ici singulièrement différent. Sa cousine Mina passe ses journées dans les livres, collectionne les boîtes d'allumettes illustrées sur lesquelles elle écrit des histoires minuscules ; un hippopotame nain vit dans le jardin, son oncle a des cheveux châtains, il dirige une usine d'eau minérale et la grand-mère se prénomme Rosa. Au cœur des années soixante-dix, Tomoko va découvrir dans cette maison l'au-delà de son archipel : à travers la littérature étrangère, les récits de Rosa sur son Allemagne natale et la retransmission des Jeux olympiques de Munich à la télévision, c'est un tout autre paysage qui s'offre à elle. La grande romancière japonaise explore dans ce livre, et pour la première fois dans son œuvre, le thème de l'étranger et des origines. En choisissant le prisme des liens de l'enfance, elle inscrit ce roman, comme le précédent. intitulé la formule préférée du professeur, dans un cycle voué à la tendresse et à l'initiation.
Rien ne me permettait de m'attendre à ce que j'ai découvert au détour des premières pages de ce roman. Ouvert sans vraiment y penser, afin d'en discuter avec une amie autour d'un déjeuner, je me suis vue entraîner dans une lecture où les faits et gestes comme la manière de le dire semblait simple. Chaque phrase était ciselée alors que le sujet en lui-même ne semblait pas s'y prêter. Enfin initialement on peut dire que si, le fil conducteur étant l'immersion de Tomoko pour une année dans la famille de sa tante maternelle, mais, au fil des pages on découvre à travers les yeux de Tomoko, un univers totalement distinct pour elle, réel mais qui semble pourtant sortie d'un imaginaire fertile, propre à ravir cette pré-adolescente comme le lecteur qui la suit dans cet univers familial.
Bien entendu l'argent est présent dans cette famille et permet d'amener cet univers futuriste : une maison d'inspiration hispanique, de l'espace tant intérieur qu'extérieur inconnu pour Tomoko, des pièces mais aussi une histoire des lieux et d'une famille qui lui était étrangère jusque là. L'histoire d'un zoo, de la venue d'une grand-mère, Rosa venue d'Allemagne depuis près de 50 ans mais qui poursuit son existence à la fois dans un passé et dans son quotidien japonais : se reposant sur l'employée de maison à demeure, Madame Yoneda, présente depuis son arrivée et en qui, elle semble avoir retrouvé un double, un soutien sans faille. Une femme sur laquelle toute la maison semble s'appuyer mais chaque membre de cette famille n'est-il pas une pièce maîtresse de la demeure ? Chacun ayant un rôle qui lui est propre, où le rire semble présent grâce à la joie manifeste de l'oncle de Tomoko dont le sourire semble perpétuel.
Jusqu'à, jusqu'à ce que l'on découvre que ce monde idéal, fait de rêves, d'écritures, lectures et de rêves est également frappé par le quotidien : l'alcool, la rêverie, et ces mêmes rituels du quotidien afin de palier à l'absence, l'échec d'un couple, les non-dits etc.
Ainsi Tomoko découvrira en l'espace d'une saison, que la vie des adultes est parfois complexe, que l'absence et les silences d'une personne peuvent bouleverser le quotidien. Que l'amour peut se donner mais également malmener la vie de ses proches.
Au contact de Mina,sa cousine, elle apprend tout cela, mais également les souffrances physiques de la maladie, de la détresse que manifeste Mina face à son quotidien où le silence prend parfois le pas en dépit d'une vie quotidienne bien remplie. Tomako va découvrir que la lecture et l'imaginaire au contact de l'image d'une simple boîte d'allumette peuvent compléter les rêveries et la vie somme toute incomplète d'une enfant.
C'est à une année riche d'événements, de rencontres et de quotidien que nous propose de suivre Yoko Ogawa en se glissant dans les pas de Tomoko qui jette un regard en arrière et se remémore la richesse de cette période et les changements qu'ils vont entrainer.
Tout est simple et juste dans les propos. Les phrases et les événements se glissent dans le quotidien comme le lecteur peut se glisser dans l'univers.
Le charme a parfaitement fonctionné sur moi.
Papillon en parle, comme Emeraude, Chiffonnette et YueYin
(..)"En comparaison le calme de ma tante était beaucoup plus profond. Plutôt que de parler, elle préférait tendre l'oreille à la conversation des autres. Au cas où il devenait nécessaire qu'elle parle, comme si elle réfléchissait à la meilleure façon de rassembler sa pensée avec le moins de mots possibles, à moins qu'elle n'attende que quelqu'un d'autre prenne la parole à sa place, il lui fallait un long moment de silence avant de pouvoir prononcer un mot.
Mais ce n'était pas du tout une question de mauvaise humeur. Ma tante tendait toujours l'oreille avec attention.Elle ne négligeait jamais le moindre murmure de qui que ce soit. "(...)