Quelques avis personnels...
La couleur des sentiments / Kathryn Stockett. Roman traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Girard. Editions Jacqueline Chambon, 2010. 526 pages. 4, 5*
Chez les Blancs de Jackson, Mississippi, ce sont les Noires qui font le ménage, la cuisine, et qui s'occupent des enfants.
On est en 1962, les lois raciales font autorité. En quarante ans de service, Aibileen a appris à tenir sa langue. L'insolente Minny, sa meilleure amie, vient tout juste de se faire renvoyer. Si les choses s'enveniment, elle devra chercher du travail dans une autre ville. Peut-être même s'exiler dans un autre Etat, comme Constantine, qu'on n'a plus revue ici depuis que, pour des raisons inavouables, les Phelan l'ont congédiée.
Mais Skeeter, la fille des Phelan, n'est pas comme les autres. De retour à Jackson au terme de ses études, elle s'acharne à découvrir pourquoi Constantine, qui l'a élevée avec amour pendant vingt-deux ans, est partie sans même lui laisser un mot. Une jeune bourgeoise blanche et deux bonnes noires. Personne ne croirait à leur amitié ; moins encore la toléreraient. Pourtant, poussées par une sourde envie de changer les choses, malgré la peur, elles vont unir leurs destins, et en grand secret écrire une histoire bouleversante.La couleur des sentiment.
Trois voix qui se croisent pour raconter une seule et même histoire, mais trois regards distincts et pas seulement du fait de la couleur de peau ou de l'âge des protagonistes, même si ces trois femmes représentent 3 âges de la femme.
C'est davantage du fait de leur travail pour Aibileen et Minny, l'une qui travaille chez une des femmes intimement liée au point de mire : la femme blanche imbue, raciste par principe, opportuniste et inamicale par excellence, Miss Hilly. L'autre qui a travaillé chez la mère de Hilly et qui ne doit sa nouvelle place qu'au manque d'ouverture de ces femmes de la bonne société et à quelques quipropos qui font sourire le lecteur. La dernière est blanche, jeune, appartient à ce petit groupuscule de femmes qui mènent la danse à Jacksonville, étant l'amie d'enfance de ladite Miss Hilly. Mais, Skeeter Phelan ne voit pas la vie de la même manière que ses amies d'enfance : elle a aimé les études, aime l'écriture et réfléchit un peu trop pour cette bonne ville du Sud où la femme est sans contexte là pour accueillir, faire des enfants et dont le travail se fait par le bénévolat ou dans l'attente de rencontrer son mari.
A la suite de cette prime volonté de journalisme et d'écriture, des événements politiques (la marche et le discours de Luther King), elle se rapproche de ses deux femmes afin de mener un projet totalement fou : faire d'elles et de leurs homologues les témoins de la vie quotidienne de ces bonnes à tout faire. Tout doit être rendu : les bons côtés comme les aspects les plus noirs et sordides de leur quotidien. L'objectif n'étant pas de dénoncer mais de faire prendre conscience aux biens pensants de ce que les lois raciales leur font vivre, mais aussi le comportement de certains employeurs qui oublient que ces femmes ont des familles, des enfants et qu'elles travaillent avant tout pour les faire vivre ou pour avoir un moyen de subsistance.
Vu la force, la présence et la lutte au quotidien de Aibileen et Minny, Skeeter semble bien fadasse, mais il ne faut pas oublier qu'elle est la plus jeune des trois. Que si elle risque moins sa vie que les noires, c'est toute la réputation de sa famille comme la vie de toutes les personnes qui travaillent sur l'exploitation familiale (même si cela n'est pas dit) qui entre en ligne de compte. Alors oui, le lecteur pourra également la voir comme une opportuniste mais sa place, moins drôle, parfois terre à terre avec ses jeunes amours et sa quête de reconnaissance professionnelle etc. donne un tout. Il est certain que son personnage, en dépit de l'épisode des toilettes, fait réellement pâle figure face à Minnie et sa verve face à la langueur proche de la folie de son employeur
Cela reste de très beaux portraits de femme et un rendu sans pareil sur la place des unes et des autres dans ce Sud de la fin des années 60.
Ce roman m'a emballé et je l'ai lu d'une traite.
Choupynette a aimé, Angelica également...