Maria Chapdelaine / Louis Hémon. Bibliothèque Québécoise, 1990 (Littérature BQ).197 pages. 4,5*
Il aura suffi d'un court séjour dans un coin de pays récemment ouvert à la colonisation pour que Louis Hémon propose une nouvelle interprétation du drame du peuple canadien-français, « l'éternel malentendu entre deux races » : les nomades et les sédentaires. Le roman met en conflit deux tendances irréconciliables, celle qu'incarnent François Paradis, l'aventurier, et le père Chapdelaine, et celle dont la mère de Maria est la meilleure représentante, avec Eutrope Gagnon, son allié. Quant à Lorenzo Surprenant, sa positon d'exilé le disqualifiait aux yeux de l'héroïne, de même qu'une trop grande témérité a éliminé de la course amoureuse François Paradis. Pour qu'une race persiste et se maintienne, selon Hémon, il lui faut se fixer à demeure, prendre feu et lieu. Publié en feuilleton, à titre posthume, dans un quotidien parisien, Maria Chapdelaine paraît en volume à Montréal en 1916, puis à Paris en 1921, inaugurant chez Grasset la célèbre collection « Les Cahiers verts ». Cette tragique histoire d'amour qui se déroule à Péribonka a été adaptée à la scène, au cinéma et pour la télévision. On compte jusqu'ici plus de 150 éditions de ce chef-d'oeuvre de la francophonie qui a été traduit dans 25 langues.
Et oui, Maria Chapdelaine ; l'influence de mon voyage au Québec se fait sentir.
C'est un livre que je souhaitais lire depuis 15-20 ans et que je n'étais pas parvenue à trouver, à l'époque, en bibliothèque. Encouragée dans mes pérégrinations par Abeille et Karine, nous avons écumé quelques librairies d'occasions à Montréal et dès que je leur ai dit mon projet, me suis retrouvée très vite avec l'ouvrage entre les mains.
Déjà je vois quelques sourcils se soulevaient car, pour ceux qui l'ignorent, Louis Hémon est français. Et oui ! Il a effectivement vécu au Québec quelques années et a partagé le quotidien des québécois dans les travaux des champs, mais également dans les bois.
L'action se déroule dans la région du Saguenay où j'ai eu l'occasion de me rendre (là s'arrête mes racontars concernant mon périple :0) ; très bientôt des photos orneront ce blog).
Alors oui c''est une histoire que beaucoup risque de ne pas aimer, ce n'est pas le film d'action à la mode, c'est une histoire des années 20 avec une certaine lenteur. Un temps propre à cette époque, avec des personnages tributèrent des conditions météo et de la vitesse de leurs jambes ou de la bonne santé des chevaux qui les mènent à bon port.
Mais c'est tout cela qui fait le charme de cet ouvrage ! Le cycle des saisons, les travaux journaliers qui ponctuent la vie quotidienne : veiller à ce que le feu reste allimenté en hiver, attendre les visites pour agrémenter la compagnie, les apprécier quelque soit l'heure,... Se réjouir des histoires, des chansons, du retour des frères qui pendant les mois d'hiver sont dans les bois. Enfin Maria Chapdelaine, c'est l'éveil à l'amour de cette jeune fille, qui d'un sourire, d'un regard ou hochement de tête s'engage à attendre l'aventurier François Paradis dont les promesses et la vie ouvrent à Maria un futur différent (ou pas) de ce qu'elle connaît.
J'ai trouvé dans l'écriture une richesse dans les descriptions de la nature et de la vie quotidienne mais également un formidable témoignage de la vie de cette époque. Période de contraste entre 3 prétendants : l'aventurier, celui qui vendu ses terres pour partir aux Etats et vivre en ville, et le dernier toujours attaché à la terre et qui semble à la fois le maladroit et le perdant. Témoignage également de l'importance de la religion et du prêtre qui (véritable image de ceux que l'on nous enseigne dans la religion) est le véritable directeur de conscience de Maria et de toute la communauté. Le passage qui suit cette échange est à mon sens déchirant pour cette jeune femme à qui on demande de ne pas regarder en arrière et de ne pas s'appesantir sur son chagrin, alors qu'elle vient tout juste de découvrir l'amour.
Vous l'aurez compris, cette lecture fut pour moi un vrai plaisir que j'ai commencé volontairement dans l'avion du retour. Et cette lecture s'est achevée sur une postface fort bien tournée de Bernard Clavel, dont je fus une grande admiratrice précisément à la même période où je souhaitais lire ce roman. La boucle est blouclée.... [Et mon voyage inoubliable pour ceux qui l'ignorent encore. Merci à tous les québécois que j'ai croisé ! Vous êtes formidables !]
L'avis de Jules ;-D