Love Medecine / Louise Erdrich. Roman traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez. Le Livre de Poche, 2011. 509 pages. 4*
De 1934 à nos jours, les destins entrelacés de deux familles indiennes, isolées dans leur réserve du Dakota, à qui les Blancs ont non seulement volé leur terre mais aussi tenté de voler leur âme.
S'il s'agit bien du premier livre écrit par Louise Erdrich, il est indéniable que son style a évolué. Je ne pense pas avoir lu ces ouvrages dans l'ordre de leur écriture (et de toutes façons, faut-il vraiment s'attarder à l'ordre d'apparition des ouvrages d'un auteur lorsque l'on sait que certains se penchent depuis des années sur les histoires qui leur tiennent à coeur ?*) et pourtant il est indéniable que j'ai réellement l'impression que le style de Louise Erdrich est différent tout en ayant retrouver dans la formulation de ce roman, une structure rappelant "Ce qui a dévoré nos coeurs".
Alors oui, n'en déplaise à ceux qui n'aiment pas cette auteur, elle s'attache à relater l'existence de familles aux liens familiaux épars et pourtant si proches de par leur vécu, leur univers et plus encore par leurs liens familiaux qui se créent au gré des mariages ou des liaisons.
A plusieurs voix, allant de 1934 jusqu'à 1985 (date de l'écriture du roman), les fils de cette broderie se tissent sous nos yeux. Elle raconte la vie, les souffrances de cette réserve à travers le regard de quelques uns. L'arrivée de l'église, l'abandon de la langue maternelle, l'obligation pour les enfants de se retrouver enfermé afin d'étudier etc... Rien de nouveau pourriez-vous me dire ? Si, car tout cela n'est pas aussi clairement dit que dans d'autres romans, c'est par petites touches légères que nous sont glissées ces thèmes propres à Louise Erdrich et qu'elle a depuis repris dans d'autres romans.
Si cela apparait tout en nuances c'est afin de mieux suivre les personnages, d'expliquer parfois leur comportement, leur rebellion. L'auteur cherche avant tout à narrer le quotidien bousculé entre les traditions et la vie quotidienne. L'impact de l'arrivée de l'homme blanc à travers les épidémies, le cantonnement dans des réserves, la séparation des familles, l'arrivée de l'alcool, l'abandon de la langue maternelle et comment ces êtres perdent pieds, cherchant à se raccrocher à l'amour d'un homme, d'un enfant, de la vie tout simplement. C'est avant tout de très beaux portraits de femmes qui mènent le monde et leurs hommes, portant à la fois la vie et l'espoir insensé des lendemains. Parfois des hommes semblent apparaître sur le devant de la scène, mais l'espoir réside avant tout sur les nouvelles générations et paradoxalement sur des enfants illégitimes : la force des ses graçons résideraient-elles dans leur statut et dans l'amour que leur porte leurs mères ?
Oui parfois la lecture n'est pas aisée entre ses différentes voix, mais les cartes sont entre nos mains dès la première page, et il faut simplement voir un texte attachant et dur qui débute par un lien que l'on coupe : la mort de June Kapshaw.
Clin d'oeil à une blogeuse avec qui j'avais eu la chance d'aller au Festival America écouter la traductrice de Louise Erdrich malheureusement retenue pour des affaires familiales.